Pendant des années,
les peuples d’Afrique ont vécu dans une solidarité intense, malgré leur différence
tant culturelle que tribale. A la venue des Etats, plusieurs communautés ont
été morcelées de façon qu’une tribu puisse aujourd’hui se retrouver de deux
cotés d’une frontière. Malgré cette séparation administrative, les habitants
vivant le long de la frontière congolo-ougandaise
ont développé des stratégies leur permettant de rester soudé.
Par Fiston Mahamba à Beni, Nord-Kivu
A la recherche du bonheur
Ils sont plus nombreux ces habitants de la zone frontalière
congolo-ougandaise a avoir une double identité. Le poste frontalier de
Kasindi-Lubirihya étant une porte d’entrée en Ouganda et de sortie en RDC a
connu ce dernier temps une forte croissance démographique la base, sa position
permettant des échanges entre ces deux pays. Chaque matin des centaines d’Ougandais
passent la frontière pour travailler au Congo. Le même mouvement s’observe le
soir : des congolais traversent la rivière Lubirihya, frontière naturelle
entre la cite de Kasindi en Rdc et celle de Bwera de l’autre coté pour passer
nuit en Ouganda. « Ce trafic le long de la frontière ne me cause pas
d’ennui, car avec mes deux cartes d’identité, je vis aisément dans ce deux
pays. » déclare Hennie Segge un congolais vivant a Bwera.
Elections, occasion à
ne pas rater
Si l’obtention d’une identité semble être difficile dans un
pays étranger, ici tout se passe facilement, nous a confié sous anonymat un commerçant
de nationalité Ougandaise, qui nous a même exhibé sa carte d’électeur obtenue
lors des dernières échéances électorales en RDC. « Il suffit d’être
sur le sol d’un autre pays avant l’opération d’enrôlement des électeurs, une
fois sa carte obtenue on peut l’utiliser comme pièce d’identité.», martèle-t-il
en souriant. Cet avis est partagé par d’autres Congolais et Ougandais, qui ont
confirmé avoir ainsi obtenu leurs pièces d’identité.
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Carte d’électeur
de la RDC, tenant lieu de pièce d’identité provisoire, Ph. Fiston Mahamba
La culture locale,
une difficulté pour les services de migration
« Il nous est difficile de distinguer Ougandais et
Congolais ici à Kasindi. En plus de leur langue commune, ils ont une même
morphologie. », s’inquiète Paluku Kamuke, agent à la Direction Générale de
Migration, DGM, en RDC. Ces mêmes entraves sont déplorées de l’autre coté. Cela
est du à une forte concentration des habitants de la communauté Nande,une tribu majoritaire dans cette zone. A cela il
faut ajouter leur langue commune, « le kinande » mais aussi le swahili,
une langue bantoue bien maitrisée par les uns et les autres, d’autres communautés
non autochtones créent des liens en s’unissant en mariage aux autochtones.
Jeunesse en quête
d’El dorado
La plupart d’adultes sont des commerçants et préfèrent régulariser
leur séjour en terre étrangère, cependant plusieurs jeunes se font passer pour
des refugies espérant une vie meilleure de l’autre coté. Kampala , la capitale
Ougandaise est située à plus de cinq heures de voyage par bus de Kasindi ;
cette métropole a toujours été un lieu de prédilection pour tant de jeunes
congolais comme nous a expliqué Gloire Ilunga lors de notre passage au campus
des étudiants congolais au Kampala International University , « Avec
ma carte je vis en Ouganda sans problème, d’ailleurs mes collègues savent que
je suis un Ougandais, je suis en
possession de ma carte de refugié, en plus je me suis déjà inscrit aux demandeurs d’asile pour le
Canada ; plusieurs parmi mes amis sont partis ainsi, je sais que la
procédure sera longue, nonobstant je sais que j’y parviendrai. »Des
messages pareils excitent plus d’un jeune qui rêve de l’Europe ou de l’Amérique
pourtant cela n’a toujours pas été facile comme on le croirait ;
Témoignages :
-« Je suis à Kampala depuis huit ans, mon rêve étais
d’aller vivre en Afrique du Sud comme refugié, mais cela ne s’est jamais réalisé,
je suis toujours en attente et aucune suite, parfois je n’y crois plus.»
-« Kampala c’est une grande ville, il ya plusieurs
ambassades ici, de loin on peut croire que tout y est facile, ça toujours été
le contraire la réalité sur place.»
Jeunes étudiants
congolais au zoo d’Entebbe,Kampala, Ouganda. Ph. Fiston Mahamba
Cet engouement des migrants en double identité n’est pas
seulement observé en Ouganda où les congolais se disent à la quête de la sécurité
et du bien être, de leur part, plusieurs hommes d’affaires ougandais préfèrent
investir dans les villes congolaises comme Butembe,Bunia,Beni,…fuyant la forte
concentration des activités commerciales dans leurs milieu. Souvent ils
envoient leurs familiaux dans ces villes pour superviser leurs activités. «Il
est lourd d’assurer le séjour légal des plus d’une personne dans un pays étranger,
c’est pourquoi nous préférons trouver des pièces d’identité du Congo à nos
compatriotes qui s’y rendent », affirme un propriétaire d’une entreprise
brassicole Ougandaise implantée à Beni.
Pour tenter de mettre fin à cette pratique, plusieurs
services œuvrant aux frontières ont développé des stratégies communes comme l’échange
des donnés migratoires, la descente sur terrain des équipes mixtes et autres en
vue de déceler les détenteurs de ces pièces en double identité frauduleuses, pratique
prohibée dans ces deux pays.