mercredi 3 avril 2013

DEUX IDENTITES POUR MIEUX VIVRES

Butembo, ville de la RDC ayant un fort échange commercial avec l’Ouganda,ici la galerie GTB.  Ph.Fiston Mahamba


Pendant des années, les peuples d’Afrique ont vécu dans une solidarité intense, malgré leur différence tant culturelle que tribale. A la venue des Etats, plusieurs communautés ont été morcelées de façon qu’une tribu puisse aujourd’hui se retrouver de deux cotés d’une frontière. Malgré cette séparation administrative, les habitants vivant le long de la frontière congolo-ougandaise ont développé des stratégies leur permettant de rester soudé.

Par Fiston Mahamba à Beni, Nord-Kivu

A la recherche du bonheur
Ils sont plus nombreux ces habitants de la zone frontalière congolo-ougandaise a avoir une double identité. Le poste frontalier de Kasindi-Lubirihya étant une porte d’entrée en Ouganda et de sortie en RDC a connu ce dernier temps une forte croissance démographique la base, sa position permettant des échanges entre ces deux pays. Chaque matin des centaines d’Ougandais passent la frontière pour travailler au Congo. Le même mouvement s’observe le soir : des congolais traversent la rivière Lubirihya, frontière naturelle entre la cite de Kasindi en Rdc et celle de Bwera de l’autre coté pour passer nuit en Ouganda. « Ce trafic le long de la frontière ne me cause pas d’ennui, car avec mes deux cartes d’identité, je vis aisément dans ce deux pays. » déclare Hennie Segge un congolais vivant a Bwera.
Elections, occasion à ne pas rater
Si l’obtention d’une identité semble être difficile dans un pays étranger, ici tout se passe facilement, nous a confié sous anonymat un commerçant de nationalité Ougandaise, qui nous a même exhibé sa carte d’électeur obtenue lors des dernières échéances électorales en RDC. « Il suffit d’être sur le sol d’un autre pays avant l’opération d’enrôlement des électeurs, une fois sa carte obtenue on peut l’utiliser comme pièce d’identité.», martèle-t-il en souriant. Cet avis est partagé par d’autres Congolais et Ougandais, qui ont confirmé avoir ainsi obtenu leurs pièces d’identité.


Carte d’électeur de la RDC, tenant lieu de pièce d’identité provisoire, Ph. Fiston Mahamba

La culture locale, une difficulté pour les services de migration
« Il nous est difficile de distinguer Ougandais et Congolais ici à Kasindi. En plus de leur langue commune, ils ont une même morphologie. », s’inquiète Paluku Kamuke, agent à la Direction Générale de Migration, DGM, en RDC. Ces mêmes entraves sont déplorées de l’autre coté. Cela est du à une forte concentration des habitants de la communauté Nande,une tribu majoritaire dans cette zone. A cela il faut ajouter leur langue commune, « le kinande » mais aussi le swahili, une langue bantoue bien maitrisée par les uns et les autres, d’autres communautés non autochtones créent des liens en s’unissant en mariage aux autochtones.
Jeunesse en quête d’El dorado
La plupart d’adultes sont des commerçants et préfèrent régulariser leur séjour en terre étrangère, cependant plusieurs jeunes se font passer pour des refugies espérant une vie meilleure de l’autre coté. Kampala , la capitale Ougandaise est située à plus de cinq heures de voyage par bus de Kasindi ; cette métropole a toujours été un lieu de prédilection pour tant de jeunes congolais comme nous a expliqué Gloire Ilunga lors de notre passage au campus des étudiants congolais au Kampala International University ,  « Avec ma carte je vis en Ouganda sans problème, d’ailleurs mes collègues savent que je suis un Ougandais,  je suis en possession de ma carte de refugié, en plus je me suis déjà  inscrit aux demandeurs d’asile pour le Canada ; plusieurs parmi mes amis sont partis ainsi, je sais que la procédure sera longue, nonobstant je sais que j’y parviendrai. »Des messages pareils excitent plus d’un jeune qui rêve de l’Europe ou de l’Amérique pourtant cela n’a toujours pas été facile comme on le croirait ; Témoignages :
-« Je suis à Kampala depuis huit ans, mon rêve étais d’aller vivre en Afrique du Sud comme refugié, mais cela ne s’est jamais réalisé, je suis toujours en attente et aucune suite, parfois je n’y crois plus.»
-« Kampala c’est une grande ville, il ya plusieurs ambassades ici, de loin on peut croire que tout y est facile, ça toujours été le contraire la réalité sur place.»


Jeunes étudiants congolais au zoo d’Entebbe,Kampala, Ouganda. Ph. Fiston Mahamba

Cet engouement des migrants en double identité n’est pas seulement observé en Ouganda où les congolais se disent à la quête de la sécurité et du bien être, de leur part, plusieurs hommes d’affaires ougandais préfèrent investir dans les villes congolaises comme Butembe,Bunia,Beni,…fuyant la forte concentration des activités commerciales dans leurs milieu. Souvent ils envoient leurs familiaux dans ces villes pour superviser leurs activités. «Il est lourd d’assurer le séjour légal des plus d’une personne dans un pays étranger, c’est pourquoi nous préférons trouver des pièces d’identité du Congo à nos compatriotes qui s’y rendent », affirme un propriétaire d’une entreprise brassicole Ougandaise implantée à Beni.
Pour tenter de mettre fin à cette pratique, plusieurs services œuvrant aux frontières ont développé des stratégies communes comme l’échange des donnés migratoires, la descente sur terrain des équipes mixtes et autres en vue de déceler les détenteurs de ces pièces en double identité frauduleuses, pratique prohibée dans ces deux pays.