jeudi 6 mars 2014

OMAR KAVOTA, HAUT-PARLEUR DE SANS VOIX

Omar Kavota, vice-président et porte-parole de la société civile du Nord-Kivu. Photo : Fiston Mahamba


Chaque matin Omar Kavota , un jeune défenseur de droits de l’homme vivant en ville de Béni au Nord-Kivu se voit réveillé par un téléphone qui sonne. Il reconnait. Cela doit être un appel émanant de ses informateurs soit celui provenant d’un media à la recherche d’une information.

Par Fiston Mahamba à Béni, Nord-Kivu

La trentaine révolue, Omar Kavota est aujourd’hui le vice-président et porte-parole de la société civile du Nord-Kivu à l’est de la RDC. Il milite dans cette structure de forces vives depuis plus de dix ans. Ce qui l’a motivé à entreprendre sa lutte au sein de ce groupe c’est l’injustice qu’il a constaté dans ce pays de Lumumba.


Passer en action
 

La lutte d’Omar ne se limite pas aux simples dénonciations. Il a pendant plusieurs fois, de concert avec la société civile initié des actions de grande envergure. Des marches de colère, des marches pacifiques, des journées ville morte, des sit in qui ont parfois amené à des actions concrètes de la part des décideurs. Ces mêmes initiatives ont aidé à stopper les invasions par des groupes rebelles des villes de Béni, Butembo, Lubero,… pendant la période de la guerre en RDC.


À la veille de la chute de la ville de Goma entre les mains des rebelles du mouvement du 23 mars, M23 en novembre 2012, Omar Kavota initie l’opération « J’aime ma patrie » à laquelle s’était joint la société civile. Cette opération qui ne devrait que couvrir le Nord-Kivu s’étendu sur tout le territoire de la RDC. Elle va même jusqu'à atteindre la diaspora congolaise. « J’aime ma patrie » consiste à récolter un dollar américain par congolais pour barrer la route à la  balkanisation du pays. Une fois récolté, cet argent doit servir au ravitaillement des forces armées de la RDC, FARDC qui sont au front dans le territoire de Rutsuru contre les rebelles du M23. « Cet opération avait connu un engouement de la population congolaise, mais depuis sa clôture ni Omar Kavota, ni la société civile, personne ne nous a livré une information sur la somme récoltée et cet argent n’est jamais parvenu aux bénéficiaires qui sont au front » s’exclame sous anonymat un jeune étudiant de l’université officielle de Semuliki.

Mais où est passé cet argent? Maitre Omar Kavota répond « L’argent récolté reste toujours dans le compte bancaire ouvert pour la cause, toute personne intéressée peut nous contacter et aura des informations sur ces fonds ». Il poursuit en disant que cet argent doit atteindre ces militaires et que les démarches sont en cours avec le commandement de l’armée pour que cette action soit menée. 

Réservoir et source d’informations


Suite à sa présence dans toutes les contrées de la région, la société civile est devenue au cours des années une importante banque des données sur la situation de droits de l’homme. Entretemps Omar Kavota est passé du poste de président de cette structure en territoire de Béni à celui de vice-président et porte-parole de la même structure en province du Nord-Kivu. Dès ce jour, ce dernier est devenu une source d’informations où viennent puiser les medias tant locaux, nationaux qu’internationaux sans oublier les ONG intervenant dans ce domaine et plusieurs autres chercheurs. Omar Kavota exploite cette opportunité. Il profite de la tribune que lui offrent les médias pour dénoncer. Cela lui crée plus d’amis mais aussi d’ennemis. Il sera plusieurs fois interpellé et critiqué par ceux qui se sentaient humilier par ses déclarations. Il ne lâche pas, pour lui la lutte doit continuer. Le mauvais moment pour lui c’est quand son téléphone portable n’a plus d’énergie, Béni étant une ville non encore électrifiée. 
Omar Kavota en veste sur la photo reçoit chez lui le journaliste de la voix de l’Amérique Nicolas Pinault accompagné de Kudra Maliro, un journaliste reporter de Béni. Photo : Fiston Mahamba
  

À la recherche de l’asile ou de l’électorat ? 


Pour ses détracteurs, Omar Kavota milite et dénonce sans peur avec un double objectif : 

1. La recherche de l’asile dans un pays étranger si une fois des menaces lui provenaient de certains auteurs des crimes qu’il dénonce. 

2. D’autres avancent que le deuxième objectif poursuivi par ce défenseur de droits humains est la recherche d’un électorat. « A l’instar d’autres membres de la société civile, qui lors de dernières élections en RDC se sont portés candidats aux législatives, Omar Kavota veut consolider sa base enfin de postuler aux prochaines élections », disent-ils. En réponse à ces allégations, Maitre Omar Kavota dit n’avoir pas en lui une vision politique. Pour lui si cela était son ambition, il aurait dû suivre les sciences politiques à l’université à la place du droit qu’il a embrasser pendant son cursus universitaire en vue de mieux connaitre les droits et devoirs du citoyen enfin de mieux les défendre.

Même un trophée 
 

Ses admirateurs se disent indignés du fait que cet homme qui sacrifie toutes ses activités pour une cause noble ne soit pas reconnu par les grandes organisations pour pouvoir être primé d’une reconnaissance internationale. Matthieu Katsuva, un jeune journaliste à la radio Ngoma Fm, une radio communautaire émettant à Béni dit saluer la bravoure d’Omar Kavota. Lui résume ses points de vue sur cet homme en ces termes « Des toutes les façons le travail que Maitre Omar Kavota réalise pour le peuple congolais en général et celui du Nord-Kivu en particulier nécessite un encouragement qui pourrait l’élever au rang de héros vivant de la démocratie dans la région. Pour moi, cet homme mérite un prix Nobel de la paix à l’instar de grands hommes politiques Africains à qui l’on décerne parfois ce prix sans grande réalisation de leur part ». Ce jeune journaliste dit craindre personnellement pour la sécurité de ce denonciateur, « Omar Kavota mérite une protection particulière de la part du gouvernement congolais car il n’est pas vu d’un bon œil par ceux-là dont il dénonce les exactions ». Matthieu Katsuva chute en adressant un message ambitieux à Omar Kavota « Je demanderai à Maitre Omar Kavota de chaque fois animer deux conférences par mois à l’endroit du public. Cela permettrai à l’opinion publique de mieux le découvrir et de lui poser directement les questions qu’elle se  pose sur sa personne ».
Tout au long de la journée Omar Kavota partage son temps entre deux activités : rechercher auprès de ses collègues les informations sur les exactions commises contre les droits humains et en alerter l’opinion tant locale, nationale qu’internationale. Ainsi se termine une journée trop surchargée qui parfois chute par la rédaction des rapports de ses différentes activités. Parfois Omar voit son sommeil interrompu par un coup de fil qui lui annonce une nouvelle. Ici c’est soit un informateur soit un journaliste car son numéro de téléphone ne peut jamais manquer dans un carnet d’adresse de tout journaliste averti qui s’intéresse à la province du Nord-Kivu voire à la région de Grands-Lacs.

Faut-il abandonner ?

Tout au début de sa lutte, Omar Kavota dit qu’il avait voulu pendant plusieurs fois renoncer à son engagement car « notre travail consiste à dénoncer toute violation de droit de l’homme, quelque soit son auteur ». Une mission que d’aucun ne pourrait assumer dans cette partie du pays où ces violations sont  perpétrées de la part de groupes armés voire du coté  gouvernement congolais comme des attaques ciblées de domiciles, les violences sexuelles faites à l’endroit de femmes et filles, les détournements de fonds du trésor public, les enlèvements qui sont devenus une autre arme de guerre des groupes armés opérant en territoire de Béni comme celui enregistré en date du 19 avril dernier 2013, où plus de trente civils ont été enlevés à Mamunidioma, localité située à plus ou moins cinquante kilomètres au nord-est de Béni. Omar a dû surmonter cette crainte et cela suite aux encouragements de ses confrères. À cette crainte s’ajoutait les reproches dont il faisait l’objet de la part des membres de sa famille. Ces derniers se disaient craindre pour leur sécurité car ils pouvaient faire l’objet des représailles de la part de ceux qui seront touchés par les dénonciations d’Omar. Malgré cela, ce dernier reste déterminé. Il a une idée en tête « Si nous nous taisons, nous participons d’une manière indirecte à ces crimes ».
À cette époque, la société civile n’était qu’au début de ses actions dans cette partie de l’est du Congo en proie à l’insécurité et tout son lot. Omar et ses collègues ont contribué à son élargissement dans tous les coins de la région. L’objectif visé ici étant de recueillir toutes les informations sur les abus commis contre les droits humains.

=======> Cet article je l'ai écrit en 2013 pour le compte du concours Soleils Inconnus de la Radio Netherlands Worldwide

 




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